par Christelle Didier, Maîtresse de conférences en sciences de l'éducation, Université de Lille CIREL1
Cet article a été rédigé par Christelle Didier suite à son intervention le 7 mars 2020 aux 34ème Rencontres de la Solidarité Internationale et de la Citoyenneté d'Ingénieurs sans frontières sur le thème "Urgence sociale et climatique : quelle ingénierie citoyenne pour demain ?" dont les restitutions vidéos sont accessibles via le site d'ISF.
L’éthique est « à la mode » depuis les années 1990 après avoir été un champ déserté par la recherche, comme l’ont montré les rares sociologues intéressé·es par la question. Les médecins et les biologistes ont été les premier·ères touché·es, mais, elle·ils ne sont plus les seul·es concerné·es : économistes, politiques, enseignant·es, travailleur·ses sociales·ux et journalistes sont sommé·es de répondre de leurs pratiques devant leurs contemporains et de redéfinir leurs responsabilités sociales et sociétales. L’intérêt pour l’éthique en lien avec les activités professionnelles n’est pas nouveau : Emile Durkheim appelait déjà de ses vœux la fondation de morales professionnelles permettant de fédérer les membres d’une même « industrie » et les prémunir des risques d’anomie (Durkheim 1967 [1893]). On parle aujourd’hui d’éthique professionnelle plutôt que de morale professionnelle et cela prend des formes d’institutionnalisation diverses : codes de déontologie sans statut légal ni pouvoir de coercition ou ayant force de loi ; chartes ou code promulgués par des organisations publiques ou privées aux statuts variés ; comité d’éthique souvent consultatifs...
Des formations en éthique professionnelle se sont développées depuis les années 1970, d’abord dans le secteur médical et d’abord aux États-Unis. Elles ont commencé à susciter de l’intérêt en France dans les années 1990 dans le champ de la santé. Dans les études de médecine, l’éthique, apparaît comme une composante de la « culture générale » introduite de façon obligatoire dans le premier cycle des études médicales (PCEM1) à la rentrée 1993, renommée « module de sciences humaines et sociales » l’année suivante. Avec la création en 2009 de la première année commune aux études de santé (PACES), le module « SHS » devient l’UE7 « santé société humanité », les SHS sont introduites de façon obligatoire en deuxième et troisième année, l’éthique trouve place aussi dans les nouvelles Unités d’enseignement libre, permettant la construction d’une double compétence tout au long du parcours de formation (Fleury, Berthelier & Nasr 2019). Dans les écoles d’ingénieur·es, la formation éthique est encouragée par l’organisme d’accréditation, la Commission des titres d’ingénieurs (CTI) depuis plus de vingt ans. Mais les cours sont encore rares, de même que les recherches à leur sujet.
En écoles d’ingénieur·es, les enseignements relevant des SHS et/ou de « l’autre formation des ingénieurs » (Derouet 2010) ne se sont diffusés que récemment (Lemaître 2003) (Didier 2008) (Roby 2014). C’est dans cet ensemble à l’intitulé encore instable (humanité, formation humaine, sociale, générale, non technique ; sciences humaines, sciences sociales, sciences humaines et sociales (SHS) ou encore SHS « pour l’ingénieur·e ») et qui accueille des contenus aussi divers que le sport, le théâtre et les langues étrangères, que l’éthique a trouvé sa place. La CTI qui constitue la pierre angulaire de la formation des ingénieur·es français·es depuis 1934 a commencé à citer explicitement l’éthique comme objectif pour la formation générale en 1995 (CTI 1995). Bien que réitérée à chaque réécriture du référentiel, l’invitation de la CTI n’a pas suffi à généraliser la formation éthique dans les écoles d’ingénieur·es. La Commission a poursuivi en élargissant même ses attentes. La dernière version d’Analyse et perspectives incite en effet : « chaque école à se pencher sur ce sujet et à préciser la démarche qu’elle souhaite mettre en œuvre sur les trois axes d’analyse : la place de l’éthique dans le métier de l’ingénieur, la place de l’éthique dans la formation des ingénieurs, la place de l’éthique dans la conduite d’une école d’ingénieur » (CTI 2014). Si l’intention de développer la place de l’éthique dans la formation des ingénieur·es est là, les récents audits de la CTI évoquent davantage les SHS en général que l’éthique, peu citée dans les conclusions des rapports.
Malgré l’absence de cadre de la part de la CTI sur ce que devrait ou pourrait être un curriculum en éthique, des cours ont été créés. Certains même avant 1995. L’ampleur de ce déploiement est difficile à évaluer car les connaissances issues de la recherche sont dispersées dans des travaux sur les contenus « non techniques » des formations (Lemaître 2003) (Albero & Roby 2013) ou sur les valeurs et idéologies de la profession où la formation est abordée marginalement (Didier 2008).
Le développement de la recherche sur les formations d’ingénieur·es et en particulier sur les SHS s’est accompagné d’une institutionnalisation de la recherche en SHS dans les écoles. Quelques jalons sont à signaler : un numéro de Recherche et Formation sur les SHS en écoles d’ingénieur·es (Chaix & Bardel-Denonain 1998), la création du colloque Question de pédagogie dans l’enseignement supérieur puis du réseau de recherche ingénium qui rassemble aujourd’hui plus de 200 enseignant·es-chercheur·ses en SHS exerçant en école d’ingénieur·es et dont certain·es ont participé à la rédaction du texte « dimension humaine, économique et sociale » de la CTI, ainsi que les travaux menés de longue date à l’INSA de Lyon, organisateur du premier colloque international sur « l’éthique de l’ingénieur » en France en 1992 (Didier 2008), comme l’ouvrage collectif dirigé par Michel Faucheux et Joëlle Forest (2007). Les thèses pionnières et ces travaux collectifs ont surtout mis en évidence le faible degré de consensus sur les objectifs de l’ « autre formation » des ingénieur·es et peu abordé l’éthique.
Aux États-Unis, la formation éthique des ingénieur·es s’est développée dans un contexte où préexistait une déontologie produite par une dynamique de professionnalisation (Layton 1971). Elle a été fortement encouragée à la fin des années 70 par la National Science Foundation qui a soutenu la publication des premiers manuels d’éthique pour ingénieur·es (Mitcham 1993). Elle a aussi bénéficié de l’exigence formulée par l’Accreditation Board of Engineering and Technology (ABET), équivalent américain de la CTI, de mettre en place pour l’an 2000 des formations éthiques dans toutes les formations ingénieur·es. Cette demande suivie de contrôles devenus plus exigeants a contribué à légitimer et structurer le champ.
Les cours proposés aux Etats-Unis comportent surtout des études de cas d’accidents ou incidents ayant donné (ou qui aurait dû donner) lieu à des divulgations (whistleblowing) et l’étude de codes de déontologie (Colby & Sullivan 2008). L’approche philosophique d’abord dominante des premiers binômes ingénieur·es/philosophes s’est diversifiée avec l’intervention de chercheur·ses en Science and Technology Studies (STS) donnant des cours sur la justice sociale, la paix, la méritocratie, les questions de genre - toujours en lien avec le métier - ou encore les rapports entre technique et politique (Mitcham 2015). Il existe aux États-Unis des (full) Professors of Engineering Ethics, souvent à la fois docteur·e en ingénierie et/ou ingénieur·e (parfois Professional Engineer) et docteur·e en philosophie, SHS ou STS.
Au Québec, la formation éthique a été longtemps strictement juridique et déontologique : l’adhésion à l’Ordre des Ingénieurs du Québec (OIQ), nécessaire pour pouvoir exercer, repose sur la réussite d’un examen professionnel sur le droit et la déontologie, passé en dehors de l’université. Ce n’est qu’en 2004 que l’OIQ a mandaté un groupe de travail pour penser « l’intégration du professionnalisme et de l’éthique dans la formation des ingénieurs » (Begin 2006), quinze ans après la parution du premier manuel d’éthique dédié aux futur·es ingénieur·es (Légault, Begin & Racine 1991). En 2007, Georges Legault identifiait quatre approches de la formation « humaniste » : socioculturelle, communicationnelle, déontologique et éthique. Il distinguait nettement l’apprentissage du raisonnement déontologique par lequel « on peut déterminer si le comportement envisagé est conforme à la norme légale ou morale » de l’apprentissage du raisonnement éthique permettant « d’évaluer un plan d’action afin de déterminer le meilleur choix possible » (Legault 2007).
En 2014 la Confédération pour le rayonnement étudiant en ingénierie au Québec (CRÉIQ) signalait les lacunes de la formation éthique des ingénieur·es dans un mémoire présenté à la Commission Charbonneau qui a siégé de 2011 à 2014 suite aux affaires de corruption qui ont fait scandale dans le milieu de l’ingénierie au Québec dans les année 2000 (Larochelle 2013). Les auteur·rices y suggéraient une vaste réforme des enseignements, le recours au conseil de chercheur·ses en éthique appliquée et des objectifs visant davantage la formation de l’esprit critique (CREI-CESO 2014)
Les Pays Bas avec ses 25% de surface en dessous du niveau de la mer est un pays qui dépend des ingénieur·es. C’est aussi un pays où les STS sont passées d’une activité marginale pour les enseignant·es-chercheur·ses à un champ institutionnalisé avec de nombreux programmes doctoraux (Brumsen 2005).
C’est aussi un pays où la recherche en philosophie de l’ingénierie et des techniques fait référence à l’échelle internationale (Mitcham 2015) avec son laboratoire 4.TU Ethics qui fédère les départements de philosophie des universités technologiques et agronomiques du pays. Plus de soixante chercheur·ses y travaillent sur l’éthique de la conception (design ethics), les big datas, l’innovation frugale, les méthodologies d’intervention éthique en recherche et développement, le rôle des émotions dans les innovations (http://ethicsandtechnology.eu/).
L’institutionnalisation académique de l’éthique n’y repose pas sur la préexistence d’une déontologie, mais sur une volonté politique, celle de la loi sur l’enseignement supérieur de 1993 qui a fait de la responsabilité sociale un objectif de formation de l’université. Un groupe de travail de l’Université Technologique de Delft suggéra dès 1994 de rendre obligatoire la formation éthique dans tous les cursus et formula des objectifs pédagogiques : en 1996, les 10 000 étudiant·es des huit facultés de Delft ont suivi ce cours (Van de Poel, Zandvoort, & Brumsen 2001). D’abord fondés sur les méthodes et manuels états-uniens, les cours d’éthique de Delft ont progressivement laissé place à des enseignements construits sur des recherches originales.
En France, pays trois fois plus peuplé que les Pays-Bas et doté de formations d’ingénieur·es nombreuses, anciennes et prestigieuses, il n’existe ni laboratoire ni chaire professorale dédiés à l’éthique ; le premier manuel français a trouvé son éditeur en Belgique (Didier, Hériard Dubreuil, & Gireaux-Geneau 1998). La sollicitation ancienne de la CTI au sujet de la formation éthique ne s’est pas accompagnée comme pour les SHS d’un texte-cadre, juste d’annexes ‘’déontologiques’’ : la Charte de 2001 de l’association des Ingénieurs et Scientifiques de France (IESF), le serment d’Archimède de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (1990), et celui de l’Institut national polytechnique de Grenoble (2006). Ce cadrage manque d’autant plus que la formation éthique se trouve toujours à la marge, voire en dehors, des disciplines des enseignant·es sollicité·es, quand elle n’est pas confiée à des expert·es auto-proclamé·es. C’est la situation que décrivait Michiel Brumsen au sujet des STS aux Pays-Bas dans les années 1970, situation bien dépassée vingt ans plus tard.
Une des explications du « retard » de la France repose sur l’organisation particulière de la profession. La longue absence de référence déontologique pour les ingénieur·es français·es s’explique sans doute par son modèle d’organisation collective : l’adhésion à l’association qui les représente est facultative et indirecte, les adhérents sont surtout les associations d’ancien·nes (Didier, 1999). Mais nous savons mieux aujourd’hui que le modèle états-unien est culturellement marqué, tout comme celui du Québec. Nous savons surtout que la formation éthique ne dépend pas de la préexistence d’une déontologie formelle, quel que soit son statut au regard de la loi. Elle dépend avant tout d’une volonté politique qui dépasse les intentions et soutienne la constitution d’un champ d’expertise.
Le cas des Pays-Bas montre que l’éthique de l’ingénierie peut très bien se développer en l’absence de code. Sans creuser plus avant le cas Allemand traité par ailleurs (Huning & Mitcham 1993), (Didier 2008) notons que le développement de l’éthique de l’ingénierie s’y est inscrit dans une culture où la philosophie s’intéressait depuis longtemps à la technique et où la crise morale traversée par la profession lors de la Seconde guerre mondiale a été déterminante : la réflexion sur l'impact des technologies y est aujourd’hui considérée comme une compétence incontournable des ingénieur·es (Ropohl 2001) (Downey, Lucena & Mitcham 2007).
Si on ne veut pas que l’éthique de l’ingénierie soit une expression vide de sens, il convient donc de donner un statut à ce champ interdisciplinaire de recherche, et plus largement au champ de l’éthique professionnelle, en soutenant davantage les recherches dans ce domaine. Pour cela, il manque une volonté politique forte de la part des institutions de formation des ingénieur·es, de la CTI ainsi que des diverses tutelles des écoles. Il manque aussi une prise au sérieux de ce champ dans les milieux académiques. En 2013, un rapport remis au Sénat par Simon Sutour et Jean-Louis Lorrain, intitulé « l’éthique : une problématique européenne » soulignait déjà qu’en France « l'approche éthique [était] confrontée à la difficulté d'exister elle-même comme matière universitaire à part entière. ». A quand la création d’une section interdisciplinaire au Conseil National des Universités (CNU) en éthique ?
Christelle Didier (2020)
1 Reprise synthétique de Didier, C. (2017). La formation éthique des ingénieurs en France : une naissance difficile. Tréma. 47, 5-15. (Le texte complet comporte de nombreuses références pour aller plus loin)
Conférence introductive des Rencontres nationales d'Ingénieurs Sans Frontières le 7 et 9 mars 2020 avec Christelle Didier, l'éthique des ingénieur·es, un champ universitaire à créer, sur le campus Claude Bernard d'AgrosParisTech, à Paris, © Baptiste Soubra
Références bibliographiques
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par Christelle Didier, Maîtresse de conférences en sciences de l'éducation, Université de Lille CIREL1
Cet article a été rédigé par Christelle Didier suite à son intervention le 7 mars 2020 aux 34ème Rencontres de la Solidarité Internationale et de la Citoyenneté d'Ingénieurs sans frontières sur le thème "Urgence sociale et climatique : quelle ingénierie citoyenne pour demain ?" dont les restitutions vidéos sont accessibles via le site d'ISF.
L’éthique est « à la mode » depuis les années 1990 après avoir été un champ déserté par la recherche, comme l’ont montré les rares sociologues intéressé·es par la question. Les médecins et les biologistes ont été les premier·ères touché·es, mais, elle·ils ne sont plus les seul·es concerné·es : économistes, politiques, enseignant·es, travailleur·ses sociales·ux et journalistes sont sommé·es de répondre de leurs pratiques devant leurs contemporains et de redéfinir leurs responsabilités sociales et sociétales. L’intérêt pour l’éthique en lien avec les activités professionnelles n’est pas nouveau : Emile Durkheim appelait déjà de ses vœux la fondation de morales professionnelles permettant de fédérer les membres d’une même « industrie » et les prémunir des risques d’anomie (Durkheim 1967 [1893]). On parle aujourd’hui d’éthique professionnelle plutôt que de morale professionnelle et cela prend des formes d’institutionnalisation diverses : codes de déontologie sans statut légal ni pouvoir de coercition ou ayant force de loi ; chartes ou code promulgués par des organisations publiques ou privées aux statuts variés ; comité d’éthique souvent consultatifs...
Des formations en éthique professionnelle se sont développées depuis les années 1970, d’abord dans le secteur médical et d’abord aux États-Unis. Elles ont commencé à susciter de l’intérêt en France dans les années 1990 dans le champ de la santé. Dans les études de médecine, l’éthique, apparaît comme une composante de la « culture générale » introduite de façon obligatoire dans le premier cycle des études médicales (PCEM1) à la rentrée 1993, renommée « module de sciences humaines et sociales » l’année suivante. Avec la création en 2009 de la première année commune aux études de santé (PACES), le module « SHS » devient l’UE7 « santé société humanité », les SHS sont introduites de façon obligatoire en deuxième et troisième année, l’éthique trouve place aussi dans les nouvelles Unités d’enseignement libre, permettant la construction d’une double compétence tout au long du parcours de formation (Fleury, Berthelier & Nasr 2019). Dans les écoles d’ingénieur·es, la formation éthique est encouragée par l’organisme d’accréditation, la Commission des titres d’ingénieurs (CTI) depuis plus de vingt ans. Mais les cours sont encore rares, de même que les recherches à leur sujet.
En écoles d’ingénieur·es, les enseignements relevant des SHS et/ou de « l’autre formation des ingénieurs » (Derouet 2010) ne se sont diffusés que récemment (Lemaître 2003) (Didier 2008) (Roby 2014). C’est dans cet ensemble à l’intitulé encore instable (humanité, formation humaine, sociale, générale, non technique ; sciences humaines, sciences sociales, sciences humaines et sociales (SHS) ou encore SHS « pour l’ingénieur·e ») et qui accueille des contenus aussi divers que le sport, le théâtre et les langues étrangères, que l’éthique a trouvé sa place. La CTI qui constitue la pierre angulaire de la formation des ingénieur·es français·es depuis 1934 a commencé à citer explicitement l’éthique comme objectif pour la formation générale en 1995 (CTI 1995). Bien que réitérée à chaque réécriture du référentiel, l’invitation de la CTI n’a pas suffi à généraliser la formation éthique dans les écoles d’ingénieur·es. La Commission a poursuivi en élargissant même ses attentes. La dernière version d’Analyse et perspectives incite en effet : « chaque école à se pencher sur ce sujet et à préciser la démarche qu’elle souhaite mettre en œuvre sur les trois axes d’analyse : la place de l’éthique dans le métier de l’ingénieur, la place de l’éthique dans la formation des ingénieurs, la place de l’éthique dans la conduite d’une école d’ingénieur » (CTI 2014). Si l’intention de développer la place de l’éthique dans la formation des ingénieur·es est là, les récents audits de la CTI évoquent davantage les SHS en général que l’éthique, peu citée dans les conclusions des rapports.
Malgré l’absence de cadre de la part de la CTI sur ce que devrait ou pourrait être un curriculum en éthique, des cours ont été créés. Certains même avant 1995. L’ampleur de ce déploiement est difficile à évaluer car les connaissances issues de la recherche sont dispersées dans des travaux sur les contenus « non techniques » des formations (Lemaître 2003) (Albero & Roby 2013) ou sur les valeurs et idéologies de la profession où la formation est abordée marginalement (Didier 2008).
Le développement de la recherche sur les formations d’ingénieur·es et en particulier sur les SHS s’est accompagné d’une institutionnalisation de la recherche en SHS dans les écoles. Quelques jalons sont à signaler : un numéro de Recherche et Formation sur les SHS en écoles d’ingénieur·es (Chaix & Bardel-Denonain 1998), la création du colloque Question de pédagogie dans l’enseignement supérieur puis du réseau de recherche ingénium qui rassemble aujourd’hui plus de 200 enseignant·es-chercheur·ses en SHS exerçant en école d’ingénieur·es et dont certain·es ont participé à la rédaction du texte « dimension humaine, économique et sociale » de la CTI, ainsi que les travaux menés de longue date à l’INSA de Lyon, organisateur du premier colloque international sur « l’éthique de l’ingénieur » en France en 1992 (Didier 2008), comme l’ouvrage collectif dirigé par Michel Faucheux et Joëlle Forest (2007). Les thèses pionnières et ces travaux collectifs ont surtout mis en évidence le faible degré de consensus sur les objectifs de l’ « autre formation » des ingénieur·es et peu abordé l’éthique.
Aux États-Unis, la formation éthique des ingénieur·es s’est développée dans un contexte où préexistait une déontologie produite par une dynamique de professionnalisation (Layton 1971). Elle a été fortement encouragée à la fin des années 70 par la National Science Foundation qui a soutenu la publication des premiers manuels d’éthique pour ingénieur·es (Mitcham 1993). Elle a aussi bénéficié de l’exigence formulée par l’Accreditation Board of Engineering and Technology (ABET), équivalent américain de la CTI, de mettre en place pour l’an 2000 des formations éthiques dans toutes les formations ingénieur·es. Cette demande suivie de contrôles devenus plus exigeants a contribué à légitimer et structurer le champ.
Les cours proposés aux Etats-Unis comportent surtout des études de cas d’accidents ou incidents ayant donné (ou qui aurait dû donner) lieu à des divulgations (whistleblowing) et l’étude de codes de déontologie (Colby & Sullivan 2008). L’approche philosophique d’abord dominante des premiers binômes ingénieur·es/philosophes s’est diversifiée avec l’intervention de chercheur·ses en Science and Technology Studies (STS) donnant des cours sur la justice sociale, la paix, la méritocratie, les questions de genre - toujours en lien avec le métier - ou encore les rapports entre technique et politique (Mitcham 2015). Il existe aux États-Unis des (full) Professors of Engineering Ethics, souvent à la fois docteur·e en ingénierie et/ou ingénieur·e (parfois Professional Engineer) et docteur·e en philosophie, SHS ou STS.
Au Québec, la formation éthique a été longtemps strictement juridique et déontologique : l’adhésion à l’Ordre des Ingénieurs du Québec (OIQ), nécessaire pour pouvoir exercer, repose sur la réussite d’un examen professionnel sur le droit et la déontologie, passé en dehors de l’université. Ce n’est qu’en 2004 que l’OIQ a mandaté un groupe de travail pour penser « l’intégration du professionnalisme et de l’éthique dans la formation des ingénieurs » (Begin 2006), quinze ans après la parution du premier manuel d’éthique dédié aux futur·es ingénieur·es (Légault, Begin & Racine 1991). En 2007, Georges Legault identifiait quatre approches de la formation « humaniste » : socioculturelle, communicationnelle, déontologique et éthique. Il distinguait nettement l’apprentissage du raisonnement déontologique par lequel « on peut déterminer si le comportement envisagé est conforme à la norme légale ou morale » de l’apprentissage du raisonnement éthique permettant « d’évaluer un plan d’action afin de déterminer le meilleur choix possible » (Legault 2007).
En 2014 la Confédération pour le rayonnement étudiant en ingénierie au Québec (CRÉIQ) signalait les lacunes de la formation éthique des ingénieur·es dans un mémoire présenté à la Commission Charbonneau qui a siégé de 2011 à 2014 suite aux affaires de corruption qui ont fait scandale dans le milieu de l’ingénierie au Québec dans les année 2000 (Larochelle 2013). Les auteur·rices y suggéraient une vaste réforme des enseignements, le recours au conseil de chercheur·ses en éthique appliquée et des objectifs visant davantage la formation de l’esprit critique (CREI-CESO 2014)
Les Pays Bas avec ses 25% de surface en dessous du niveau de la mer est un pays qui dépend des ingénieur·es. C’est aussi un pays où les STS sont passées d’une activité marginale pour les enseignant·es-chercheur·ses à un champ institutionnalisé avec de nombreux programmes doctoraux (Brumsen 2005).
C’est aussi un pays où la recherche en philosophie de l’ingénierie et des techniques fait référence à l’échelle internationale (Mitcham 2015) avec son laboratoire 4.TU Ethics qui fédère les départements de philosophie des universités technologiques et agronomiques du pays. Plus de soixante chercheur·ses y travaillent sur l’éthique de la conception (design ethics), les big datas, l’innovation frugale, les méthodologies d’intervention éthique en recherche et développement, le rôle des émotions dans les innovations (http://ethicsandtechnology.eu/).
L’institutionnalisation académique de l’éthique n’y repose pas sur la préexistence d’une déontologie, mais sur une volonté politique, celle de la loi sur l’enseignement supérieur de 1993 qui a fait de la responsabilité sociale un objectif de formation de l’université. Un groupe de travail de l’Université Technologique de Delft suggéra dès 1994 de rendre obligatoire la formation éthique dans tous les cursus et formula des objectifs pédagogiques : en 1996, les 10 000 étudiant·es des huit facultés de Delft ont suivi ce cours (Van de Poel, Zandvoort, & Brumsen 2001). D’abord fondés sur les méthodes et manuels états-uniens, les cours d’éthique de Delft ont progressivement laissé place à des enseignements construits sur des recherches originales.
En France, pays trois fois plus peuplé que les Pays-Bas et doté de formations d’ingénieur·es nombreuses, anciennes et prestigieuses, il n’existe ni laboratoire ni chaire professorale dédiés à l’éthique ; le premier manuel français a trouvé son éditeur en Belgique (Didier, Hériard Dubreuil, & Gireaux-Geneau 1998). La sollicitation ancienne de la CTI au sujet de la formation éthique ne s’est pas accompagnée comme pour les SHS d’un texte-cadre, juste d’annexes ‘’déontologiques’’ : la Charte de 2001 de l’association des Ingénieurs et Scientifiques de France (IESF), le serment d’Archimède de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (1990), et celui de l’Institut national polytechnique de Grenoble (2006). Ce cadrage manque d’autant plus que la formation éthique se trouve toujours à la marge, voire en dehors, des disciplines des enseignant·es sollicité·es, quand elle n’est pas confiée à des expert·es auto-proclamé·es. C’est la situation que décrivait Michiel Brumsen au sujet des STS aux Pays-Bas dans les années 1970, situation bien dépassée vingt ans plus tard.
Une des explications du « retard » de la France repose sur l’organisation particulière de la profession. La longue absence de référence déontologique pour les ingénieur·es français·es s’explique sans doute par son modèle d’organisation collective : l’adhésion à l’association qui les représente est facultative et indirecte, les adhérents sont surtout les associations d’ancien·nes (Didier, 1999). Mais nous savons mieux aujourd’hui que le modèle états-unien est culturellement marqué, tout comme celui du Québec. Nous savons surtout que la formation éthique ne dépend pas de la préexistence d’une déontologie formelle, quel que soit son statut au regard de la loi. Elle dépend avant tout d’une volonté politique qui dépasse les intentions et soutienne la constitution d’un champ d’expertise.
Le cas des Pays-Bas montre que l’éthique de l’ingénierie peut très bien se développer en l’absence de code. Sans creuser plus avant le cas Allemand traité par ailleurs (Huning & Mitcham 1993), (Didier 2008) notons que le développement de l’éthique de l’ingénierie s’y est inscrit dans une culture où la philosophie s’intéressait depuis longtemps à la technique et où la crise morale traversée par la profession lors de la Seconde guerre mondiale a été déterminante : la réflexion sur l'impact des technologies y est aujourd’hui considérée comme une compétence incontournable des ingénieur·es (Ropohl 2001) (Downey, Lucena & Mitcham 2007).
Si on ne veut pas que l’éthique de l’ingénierie soit une expression vide de sens, il convient donc de donner un statut à ce champ interdisciplinaire de recherche, et plus largement au champ de l’éthique professionnelle, en soutenant davantage les recherches dans ce domaine. Pour cela, il manque une volonté politique forte de la part des institutions de formation des ingénieur·es, de la CTI ainsi que des diverses tutelles des écoles. Il manque aussi une prise au sérieux de ce champ dans les milieux académiques. En 2013, un rapport remis au Sénat par Simon Sutour et Jean-Louis Lorrain, intitulé « l’éthique : une problématique européenne » soulignait déjà qu’en France « l'approche éthique [était] confrontée à la difficulté d'exister elle-même comme matière universitaire à part entière. ». A quand la création d’une section interdisciplinaire au Conseil National des Universités (CNU) en éthique ?
Christelle Didier (2020)
1 Reprise synthétique de Didier, C. (2017). La formation éthique des ingénieurs en France : une naissance difficile. Tréma. 47, 5-15. (Le texte complet comporte de nombreuses références pour aller plus loin)
Conférence introductive des Rencontres nationales d'Ingénieurs Sans Frontières le 7 et 9 mars 2020 avec Christelle Didier, l'éthique des ingénieur·es, un champ universitaire à créer, sur le campus Claude Bernard d'AgrosParisTech, à Paris, © Baptiste Soubra
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