La formation des ingénieur·es n’est bien entendu pas un débat qui date d’hier ! Depuis la création des écoles d'ingénieur·es, des voix divergentes se disputent à propos du rôle social et technique de l'ingénieur·e en lien avec une vision idéale de la société : les uns partisans d'une approche managériale de l'ingénierie, qui maîtrise les composantes sociales et techniques des processus industriels au service d’une société de l’efficacité, les autres s'attachant à un rôle plus démocratique, à l'écoute des besoins, des représentations et des ressources de chacun·e pour faire un monde commun. Selon les époques, les discours prennent des formes plurielles, s'appuyant sur des contextes sociaux, politiques et techniques bien différents ; mais les termes du débat n’évoluent pas tant que ça et cette dialectique se poursuit jusqu’à aujourd’hui. Acteur·rices et institutions émergent au fil du temps et participent à la controverse, configurant ainsi le débat dans lequel s’insère aujourd’hui l’Observatoire : quels savoirs transmettre et quelles pratiques pédagogiques pour le faire ?
Difficile de revenir sur l’histoire de l’Observatoire sans revenir sur celle d’Ingénieurs sans frontières (ISF), association à l’initiative de son développement. Dans les années 2000, après une vingtaine d’années d’expérience dans l’aide et l’éducation au développement qui contribuèrent à la remise en question du modèle ingénierial dominant dans les institutions françaises, l’association amorce deux réflexions en parallèle : l’éthique des ingénieur·es et des cadres, et la formation des ingénieur·es. Quelques groupes locaux tentent par l’administration de leur école d’intégrer des dimensions sociales et environnementales aux valeurs et pratiques transmises par leur formation. Au niveau de la fédération, le comité Former l’Ingénieur·e Citoyen·ne (FormIC) émerge et se lance dans la rédaction d’un manifeste, dont le but est d’affirmer son positionnement sur les formations d’ingénieur·es. Parallèlement, un travail de thèse mené par Antoine Derouet est venu renforcer ces réflexions, en questionnant la place actuelle des sciences humaines et sociales dans les formations.
Un programme d’action se monte en 2014 : entre ses missions de sensibilisation auprès des élèves-ingénieur·es et des enseignant·es-chercheur·ses et ses prises de position et plaidoyers sur le contenu la formation et sur sa politique, le comité FormIC tisse son réseau et s’attache aussi bien à des acteur·rices du monde de la recherche, qu’à ceux du monde associatif, dont les objets d’étude traités ou les causes défendues touchent à d’autres formes d’ingénierie ou à une autre politique d’enseignement supérieur et de la recherche.
Les liens avec le monde de la recherche s’intensifient jusqu’à la création de l’Observatoire qui montrent l’intérêt pour les acteur·rices de la société civile organisée d’amener en société les travaux scientifiques, dans une démarche où le·a savant·e ne s’impose pas mais construit avec les acteur·rices de son objet d’étude. Le choix de la méthode se veut également en rupture avec les pratiques habituelles du monde associatif, surtout celles de sensibilisation et de plaidoyer : la recherche-action permet de bénéficier des avantages de chacune de ces pratiques, en offrant en plus l’opportunité à ces bénéficiaires d’être dans une posture active, c’est-à-dire d’apprendre réciproquement des un·es et des autres pour se transformer et transformer la situation. Elle permet également d’amener une culture démocratique, qui est construite par les participant·es plutôt qu’imposée par l’Observatoire. Enfin, la spécificité de cette recherche-action est d’articuler les échelles locale et nationale par l’intermédiaire d’une analyse comparative.
Voilà maintenant 3 ans que l’Observatoire fait son chemin. Des associations et syndicats étudiants (REFEDD, Solidaires et UNEF), des associations de médiation scientifique et d’éducation populaire (Petits Débrouillards et Sciences Citoyennes), des enseignant·es-chercheur·ses d’écoles (Jean-Michel Genevaux, Béatrice Jalenque-Vigouroux, Eveline Manna et Emmanuel Rozière), des étudiant·es (via Ingénieurs Engagés et les groupes locaux d’ISF) et des chercheur·ses (Christelle Didier, Denis Lemaitre et Catherine Roby) ont ainsi participé à la construction de la méthode. Une première série d’indicateurs imaginée par ISF a d’abord été soumise au regard de ces personnes lors d’une dizaine d’ateliers d’intelligence collective. À l’issue de ce processus, des méthodes ont été créées afin de collecter des données pour remplir ces indicateurs. Durant les deux années universitaires de 2017 et 2019, 4 écoles ont expérimenté ces outils : Centrale Nantes, l’ENSI Le Mans, l’ENSTA Bretagne et l’INSA Toulouse, et ont amené une première expérience terrain permettant de mieux comprendre les besoins d’accompagnement, d’explorer différentes modalités d’intégration de la démarche à la réalité des établissements et d’avoir un premier retour de l’accueil qui est fait aux méthodes et aux questions qu’elles font se poser aux participant·es.
Rencontre nationale de l'Observatoire le 28 septembre 2019 à La Piscine, les locaux des Petits Débrouillards Grand Est à Nancy
L’année 2019—2020 est une période de questionnements et de mises à jour. La méthode va prendre une nouvelle forme à partir de ces premières expérimentations, mais aussi avec la création des outils d’analyse à partir des cadres théoriques développés dans le champ scientifique. Des études macroscopiques vont venir compléter l’approche locale : une cartographie des acteur·rices et de leurs influences sur les politiques nationale et locale de la formation des ingénieur·es, une enquête auprès de la société civile organisée pour connaître sa vision de l’ingénierie et mieux positionner ses métiers dans la division du travail contemporaine et une méta-étude des différents travaux sur l’ingénierie et ses modèles alternatifs. Pour mener à bien ce travail, une question se pose au niveau de l’articulation entre la stratégie de recherche et la stratégie économique : depuis trois ans la dynamique bénévole s’intensifie avec l’appui d’un salarié d’ISF à mi-temps dans la coordination du projet. Les besoins en terme de développement et d’accompagnement sont mieux compris et leur traduction économique s’affine. En outre, les sollicitations commencent à être nombreuses, mais l’ambition pour les trois prochaines années n’est pas au déploiement massif de la démarche dans toutes les écoles : il faut d’abord attendre d’avoir une méthode stabilisée, qui permettra de comparer les résultats des différents établissements et d’identifier des problématiques communes qui pourront être prises en charge par des politiques publiques à l’échelle nationale.
Cette année est aussi l’occasion de l’affirmation d’une identité, notamment pour se démarquer d’ISF : bien qu’à l’initiative du projet, les projets politiques ne sont pas les mêmes ; ISF défend une certaine vision de l’ingénieur·e citoyen·ne alors que l’Observatoire est un espace qui met en relation les différentes parties prenantes de sa formation pour débattre de cette notion. Les nombreuses mobilisations étudiantes de ces dernières années amènent aussi à faire connaître et à positionner l’Observatoire dans le jeu d’acteur·rices qui s’agencent autour de la controverse. D’autant plus que l’Observatoire semble être la seule organisation à visibiliser les travaux de la recherche sur les formations d’ingénieur·es.
L'année 2021 - 2022 est l'année du lancement de la première étude complète. Centrale Nantes souhaite effectué un état des lieux de sa formation sur le développement durable et l'éthique de l'ingénierie. L'association va donc déployer différents outils qu'elle a développée sur les dernières années. Les élèves-ingénieur·es, enseignants-chercheur·es de l'école seront également acteur de cette étude en étant eux-mêmes enquêteur·ices.
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La formation des ingénieur·es n’est bien entendu pas un débat qui date d’hier ! Depuis la création des écoles d'ingénieur·es, des voix divergentes se disputent à propos du rôle social et technique de l'ingénieur·e en lien avec une vision idéale de la société : les uns partisans d'une approche managériale de l'ingénierie, qui maîtrise les composantes sociales et techniques des processus industriels au service d’une société de l’efficacité, les autres s'attachant à un rôle plus démocratique, à l'écoute des besoins, des représentations et des ressources de chacun·e pour faire un monde commun. Selon les époques, les discours prennent des formes plurielles, s'appuyant sur des contextes sociaux, politiques et techniques bien différents ; mais les termes du débat n’évoluent pas tant que ça et cette dialectique se poursuit jusqu’à aujourd’hui. Acteur·rices et institutions émergent au fil du temps et participent à la controverse, configurant ainsi le débat dans lequel s’insère aujourd’hui l’Observatoire : quels savoirs transmettre et quelles pratiques pédagogiques pour le faire ?
Difficile de revenir sur l’histoire de l’Observatoire sans revenir sur celle d’Ingénieurs sans frontières (ISF), association à l’initiative de son développement. Dans les années 2000, après une vingtaine d’années d’expérience dans l’aide et l’éducation au développement qui contribuèrent à la remise en question du modèle ingénierial dominant dans les institutions françaises, l’association amorce deux réflexions en parallèle : l’éthique des ingénieur·es et des cadres, et la formation des ingénieur·es. Quelques groupes locaux tentent par l’administration de leur école d’intégrer des dimensions sociales et environnementales aux valeurs et pratiques transmises par leur formation. Au niveau de la fédération, le comité Former l’Ingénieur·e Citoyen·ne (FormIC) émerge et se lance dans la rédaction d’un manifeste, dont le but est d’affirmer son positionnement sur les formations d’ingénieur·es. Parallèlement, un travail de thèse mené par Antoine Derouet est venu renforcer ces réflexions, en questionnant la place actuelle des sciences humaines et sociales dans les formations.
Un programme d’action se monte en 2014 : entre ses missions de sensibilisation auprès des élèves-ingénieur·es et des enseignant·es-chercheur·ses et ses prises de position et plaidoyers sur le contenu la formation et sur sa politique, le comité FormIC tisse son réseau et s’attache aussi bien à des acteur·rices du monde de la recherche, qu’à ceux du monde associatif, dont les objets d’étude traités ou les causes défendues touchent à d’autres formes d’ingénierie ou à une autre politique d’enseignement supérieur et de la recherche.
Les liens avec le monde de la recherche s’intensifient jusqu’à la création de l’Observatoire qui montrent l’intérêt pour les acteur·rices de la société civile organisée d’amener en société les travaux scientifiques, dans une démarche où le·a savant·e ne s’impose pas mais construit avec les acteur·rices de son objet d’étude. Le choix de la méthode se veut également en rupture avec les pratiques habituelles du monde associatif, surtout celles de sensibilisation et de plaidoyer : la recherche-action permet de bénéficier des avantages de chacune de ces pratiques, en offrant en plus l’opportunité à ces bénéficiaires d’être dans une posture active, c’est-à-dire d’apprendre réciproquement des un·es et des autres pour se transformer et transformer la situation. Elle permet également d’amener une culture démocratique, qui est construite par les participant·es plutôt qu’imposée par l’Observatoire. Enfin, la spécificité de cette recherche-action est d’articuler les échelles locale et nationale par l’intermédiaire d’une analyse comparative.
Voilà maintenant 3 ans que l’Observatoire fait son chemin. Des associations et syndicats étudiants (REFEDD, Solidaires et UNEF), des associations de médiation scientifique et d’éducation populaire (Petits Débrouillards et Sciences Citoyennes), des enseignant·es-chercheur·ses d’écoles (Jean-Michel Genevaux, Béatrice Jalenque-Vigouroux, Eveline Manna et Emmanuel Rozière), des étudiant·es (via Ingénieurs Engagés et les groupes locaux d’ISF) et des chercheur·ses (Christelle Didier, Denis Lemaitre et Catherine Roby) ont ainsi participé à la construction de la méthode. Une première série d’indicateurs imaginée par ISF a d’abord été soumise au regard de ces personnes lors d’une dizaine d’ateliers d’intelligence collective. À l’issue de ce processus, des méthodes ont été créées afin de collecter des données pour remplir ces indicateurs. Durant les deux années universitaires de 2017 et 2019, 4 écoles ont expérimenté ces outils : Centrale Nantes, l’ENSI Le Mans, l’ENSTA Bretagne et l’INSA Toulouse, et ont amené une première expérience terrain permettant de mieux comprendre les besoins d’accompagnement, d’explorer différentes modalités d’intégration de la démarche à la réalité des établissements et d’avoir un premier retour de l’accueil qui est fait aux méthodes et aux questions qu’elles font se poser aux participant·es.
Rencontre nationale de l'Observatoire le 28 septembre 2019 à La Piscine, les locaux des Petits Débrouillards Grand Est à Nancy
L’année 2019—2020 est une période de questionnements et de mises à jour. La méthode va prendre une nouvelle forme à partir de ces premières expérimentations, mais aussi avec la création des outils d’analyse à partir des cadres théoriques développés dans le champ scientifique. Des études macroscopiques vont venir compléter l’approche locale : une cartographie des acteur·rices et de leurs influences sur les politiques nationale et locale de la formation des ingénieur·es, une enquête auprès de la société civile organisée pour connaître sa vision de l’ingénierie et mieux positionner ses métiers dans la division du travail contemporaine et une méta-étude des différents travaux sur l’ingénierie et ses modèles alternatifs. Pour mener à bien ce travail, une question se pose au niveau de l’articulation entre la stratégie de recherche et la stratégie économique : depuis trois ans la dynamique bénévole s’intensifie avec l’appui d’un salarié d’ISF à mi-temps dans la coordination du projet. Les besoins en terme de développement et d’accompagnement sont mieux compris et leur traduction économique s’affine. En outre, les sollicitations commencent à être nombreuses, mais l’ambition pour les trois prochaines années n’est pas au déploiement massif de la démarche dans toutes les écoles : il faut d’abord attendre d’avoir une méthode stabilisée, qui permettra de comparer les résultats des différents établissements et d’identifier des problématiques communes qui pourront être prises en charge par des politiques publiques à l’échelle nationale.
Cette année est aussi l’occasion de l’affirmation d’une identité, notamment pour se démarquer d’ISF : bien qu’à l’initiative du projet, les projets politiques ne sont pas les mêmes ; ISF défend une certaine vision de l’ingénieur·e citoyen·ne alors que l’Observatoire est un espace qui met en relation les différentes parties prenantes de sa formation pour débattre de cette notion. Les nombreuses mobilisations étudiantes de ces dernières années amènent aussi à faire connaître et à positionner l’Observatoire dans le jeu d’acteur·rices qui s’agencent autour de la controverse. D’autant plus que l’Observatoire semble être la seule organisation à visibiliser les travaux de la recherche sur les formations d’ingénieur·es.
L'année 2021 - 2022 est l'année du lancement de la première étude complète. Centrale Nantes souhaite effectué un état des lieux de sa formation sur le développement durable et l'éthique de l'ingénierie. L'association va donc déployer différents outils qu'elle a développée sur les dernières années. Les élèves-ingénieur·es, enseignants-chercheur·es de l'école seront également acteur de cette étude en étant eux-mêmes enquêteur·ices.
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